La Calabre réclame des dommages et intérêts à la mafia locale

a Calabre ne supporte plus sa réputation de terre mafieuse.

Jean-Jacques Bozonnet - Article paru dans l'édition du 16.09.05

ROME de notre correspondant

Cette région pauvre du sud de l'Italie a décidé de faire rendre gorge à la 'Ndrangheta, la puissante mafia locale qui, depuis des décennies, a mis le territoire en coupe réglée. Elu en avril, le nouveau gouvernement régional, de centre gauche, a décidé de faire payer aux criminels traduits en justice des dommages et intérêts "pour atteinte à l'image de la Calabre".

Dans un procès qui s'est ouvert lundi 12 septembre à Catanzaro contre 81 membres de deux familles mafieuses, la Région s'est portée partie civile et réclame 3 millions d'euros aux prévenus. En juillet déjà, la cour d'assises de Cosenza avait condamné un clan à payer 500 000 euros d'indemnités à l'institution régionale.

Les élus sont décidés à répéter l'opération systématiquement, estimant que c'est un moyen de récupérer, fût-ce symboliquement, une partie des richesses que la criminalité organisée prélève sur la collectivité.

Selon de récentes études, le chiffre d'affaires annuel réalisé par la mafia calabraise atteindrait 35 milliards d'euros, soit davantage que le produit intérieur brut de la Calabre tout entière. La 'Ndrangheta, disent les experts, pourrait figurer parmi les dix premiers groupes industriels européens.

Depuis l'époque des sanglants enlèvements, dans les années 1980, l'entreprise 'Ndrangheta a diversifié ses activités : trafic de drogue, d'armes, de déchets, blanchiment d'argent, trucage des appels d'offres publics, infiltration de l'économie et de l'administration locale, extorsion de fonds, etc.

Plus de sept mille Calabrais seraient directement affiliés à des "cosche", c'est-à-dire des noyaux mafieux, souvent familiaux, qui quadrillent le territoire. Leurs méthodes sont musclées : "Chaque matin, où que ce soit, la pègre réveille la Calabre par l'intermédiaire de ses émissaires, qui, impunément, menacent, terrorisent, frappent.

Et l'Etat, bien qu'il assure le contraire, n'est pas en mesure de garantir l'intégrité physique de ceux qui y habitent", écrivait en juin le président des industriels calabrais au président de la République, Carlo Azeglio Ciampi, pour lui demander son aide. Pour la seule année 2004, il y a eu plus de 300 agressions et attentats contre des entreprises, des administrations publiques et des élus locaux.

Les entrepreneurs quittent le secteur, le tourisme périclite, la Calabre se meurt. C'est pourquoi le nouveau président de la région, Agazio Loiero, a décidé d'envoyer ses avocats réclamer des comptes "à ceux qui causent des dommages à l'ensemble du tissu social". Cet été, il a reçu par la poste une photo de lui, barrée par ce message : "Condamné à mort."

 

 

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